Il est des histoires étranges, parfois douloureuses mais si troublantes que leur aspect tragique est moins présent.

On m'en a conté une il y a quelques jours et si elle ne me venait pas d'une personne d'une totale confiance, j'aurais sans doute pensé qu'elle était romancée.

Ma famille est nombreuse et je n'en connais pas tous les membres. Je ne reconnaîtrais même pas certains de mes cousins si je les croisais dans la rue.

Parmi les cousins germains de ma mère, il y a le cousin Louis. J'ai bien dû le croiser 5 fois dans ma vie, mais j'ai pas mal entendu parler de lui. Louis, c'est le type même de l'extraverti charmeur et jovial. Sympathique avec tous, décidant qu'il t'adore dans la minute puis t'oubliant ensuite pendant plusieurs années.

Comme dans toutes les familles tentaculaires, je reçois des nouvelles de l'un ou de l'autre par un 3ème à qui un 4ème en a parlé. Téléphone arabe qui nous donne l'impression de faire partie d'un réseau.

Le cousin Louis donc, fils de la tante Hélène, marié et divorcé deux fois à été attrapé il y a quelques temps par un virus herpétique. Le virus en question est une saloperie qui attaque et détruit la mémoire immédiate. Quand je parle de mémoire immédiate, je parle des minutes qui viennent juste de s'écouler.

Le pauvre cousin Louis a été hospitalisé, sans doute un peu dans l'espoir d'être soigné et beaucoup parce que quand on n'a plus de mémoire immédiate, il est tout bonnement impossible de vivre seul.

Comme toutes les maladies vraiment ignobles, il conservait toute son intelligence et son raisonnement, ce qui lui permettait de bien mesurer tout ce qu'il perdait. Il déprimait sévère car il ne pouvait plus lire un bon bouquin ou voir un bon programme de télévision, en gros, il ne pouvait plus rien faire qui demande un tant soit peu de suite dans les idées.

Un beau jour, le cousin Louis s'est donc enfuit. Il n'était pas vraiment en cavale puisque aucune loi ne l'obligeait à rester enfermé, mais il a bel et bien été recherché par les gendarmes. Le personnel a dû s'inquiéter en constatant sa disparition et à déclenché une battue.

Les gendarmes l'ont retrouvé, à quelques kilomètres, dans une grange, il était tombé entre deux ballots de foin et était mort étouffé.

Je ne peux pas dire que j'ai la moindre peine car je ne le connaissais presque pas, je trouve sa maladie bizarre et sa fin rocambolesque. Il n'a vraiment pas eu la mort de Monsieur-tout-le-monde.

Si l'un d'entre vous m'avait raconté ça, je ne vous le cache pas, j'aurais été sceptique.