Puisque tu as eu la gentillesse de t'intéresser au triste sort du pauvre Soudan, je vais te raconter la suite de son histoire.
Tout d'abord, il y a eu les présentations avec les autres habitants velus de la maison.
Mahé, la matriarche, à ouvert un oeil, regardé l'intrus, refermé l'oeil et probablement décrété que c'était encore une des fantaisies de ses humains crétins, à classer dans "évènement
négligeable".
Mischa, la diablesse de Tasmanie, a grogné, grondé, craché, mais pas attaqué. Bref, s'il n'a pas compris qui est le boss ici, c'est qu'il est un peu attardé.
Cool, le gamin, a procédé comme d'habitude, il l'a suivi partout, sans arrêt, comme son ombre, en roucoulant un peu (je vous jure que ce chat roucoule, je ne sais pas pourquoi ni comment, mais il
roucoule !) et en crachant quelquefois.
Soudan s'est tout de suite senti chez lui, curieux comme tout chat, il a fait le tour du propriétaire, escorté par Cool et Mischa. Il est si pacifique que quand un autre chat crache, il s'assoit
et attend que la crise passe. Ca fonctionne puisque ça crache de moins en moins.
Ses plaies sont quasiment refermées, il ne boitte plus du tout et trouve suffisamment d'énergie pour grimper sur les meubles.
Je suis allée prévenir ma gardienne que j'avais récupéré l'un des fantômes car, la connaissant, j'étais certaine qu'elle le connaissait aussi et qu'elle le nourrissait
probablement.
Ma gardienne m'a appris alors qu'il s'agissait sans doute d'un chat abandonné car, contrairement aux chats errants de la résidence qu'elle aperçoit dès
qu'ils sont petits, Soudan est arrivé adulte dans la rue du jour au lendemain il y a près d'un an.
Elle m'a aussi raconté qu'il était considéré comme "méchant" car il se battait avec tous les chats du quartier (à mon avis, on peut considérer ses oreilles en dentelle comme des pièces à
conviction) et avait grièvement blessé des chats domestiques dont les propriétaires avaient prévenu : "s'il revient, nous le tuerons".
Il parait que même certains humains le craignait. Là, j'avoue, j'ai bien ri. Soyons raisonnable, pour être agressé par un chat, il faut quand même être un peu allé le chercher, sauf si c'est un
chat-garou bien sur.
Clairement, un certain nombre de braves gens voulaient sa peau. Heureusement, la rue ne lui manque pas du tout, c'est à peine s'il sort sur le balcon.
Il se pourrait bien qu'il en ait jusque là de la pluie, du froid, du parking, de la baston. Je pense qu'il n'a pas mis longtemps à se rappeler qu'un appartement a des avantages qui méritent bien
de leur sacrifier sa liberté forcée.
Par contre, comme je ne vis pas dans le monde des Bisounours, je dois dire que je ne vois plus du tout son compagnon d'infortune dans le garage, que les croquettes que j'y avais laissées à son
intention n'ont pas été mangées, et que je ne peux m'empêcher de penser que quelqu'un a décidé de lui faire la peau, à lui aussi.
D'ailleurs, je me demande maintenant si la blessure de Soudan n'était pas d'origine humaine.