... Je grandissais peinard, mais je n’étais plus aussi serein qu’avant. Je regardais par la fenêtre toute la journée, je me disais que j’irais
bien faire un tour dehors. Quelquefois, par la fenêtre entrebaîllée, je percevais une odeur très séduisante ou j’entendais un cri qui m’appelait, j’aurais tout donné pour pouvoir répondre à cet
appel, c’était plus fort que moi.
Il y en avait d’autres de mon espèce dehors, je me suis dit qu’il fallait que je cesse de me comporter comme un bébé, qu’il fallait que je dise
à tous qu’ici c’était mon territoire. J’ai commencé par me frotter partout, sur les meubles, les objets, les humains.
Un jour, j’ai pissé sur un coussin, juste pour que tout le monde sache qu’il était à moi. Les humains ont enlevé le coussin, alors j’ai commencé
à pisser à d’autres endroits de mon territoire, les humains passaient derrière, mettaient un produit qui me donnait l’impression qu’il y avait un intrus sur mon territoire, alors je pissais à
nouveau, pour recouvrir l’odeur.
Les humains s’énervaient, je ne comprenais pas pourquoi, ils criaient en me regardant, ils me menaçaient, quelquefois même, ils me claquaient
l’arrière train. L’époque des rires et de la douceur était bien finie, croyez-moi. Je me demandais sans arrêt pourquoi ils me chassaient du lit maintenant.
Ils ont commencé à m’enfermer dans une seule pièce quand ils s’absentaient toute la journée. Je m’ennuyais un peu, mais je continuais à dormir
la plupart du temps.
Le soir, j’étais content de les retrouver, mais eux, ils jouaient de moins en moins, ils râlaient presque tous les soirs et ce n’était vraiment
pas drôle.
Un soir, ils m’ont mis à nouveau dans la boite avec une grille, mais elle me semblait beaucoup plus petite qu’avant. Je n’ai rien dit, même si
je ne comprenais plus vraiment mes humains ni ce qu’ils voulaient, c’était mes humains.
La boite tanguait, j’étais un peu ballotté, je ne disais rien, j’attendais. A un moment, ils ont posé la boite par terre et ils ont ouvert la
grille, je suis sorti tout doucement, on était " dehors ", de l’autre côté de la fenêtre, en tout cas, je reconnaissais les odeurs.
Ca m’a foutu une trouille de tous les diables, je me suis retourné, les humains ont refermé la grille, je ne pouvais plus entrer dans la boite.
L’un des deux m’a tourné le dos et a commencé à s’éloigner, l’autre à agité les bras en faisant "pssssshhhht, vas t’en, t’es libre" puis il est parti aussi.
Je me suis assis, je ne comprenais pas ce que j’étais censé faire. J’ai un peu attendu puis, voyant qu’ils ne revenaient pas et que la nuit
commençait à tomber, je me suis inquiété.
Je sentais des odeurs inquiétantes, j’entendais des bruits inquiétants, je percevais des mouvements furtifs inquiétants et je commençais à avoir
faim.
J’ai appelé, un peu, beaucoup. Un mâle de mon espèce est venu, il a craché sur moi, j’ai filé dans un buisson. Je vous jure qu’il n’avait pas
l’air de plaisanter. Je suis resté plusieurs heures roulé en boule à même la terre, les oreilles aux aguets et l’estomac dans les talons.
Quand j’ai compris que mes humains n’allaient pas revenir me chercher, j’ai décidé d’explorer mon nouveau territoire. J’avais tellement faim que
c’était insupportable. J’essayais de me souvenir de ce que maman m’avait appris, mais depuis le temps que les humains me nourrissaient, j’avais oublié comment on
chasse.
Les premiers jours et les premières nuits, j’étais en enfer, j’avais faim tout le temps, les membres de mon espèce me chassaient ou pire, me
battaient quand je n’en pouvais plus de m’enfuir, j’ai appris à connaître (et à craindre) les chiens. La première fois qu’il a plut, je n’avais pas d’abri, j’ai été mouillé et j’ai eu atrocement
froid après...
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